Pauline Marois a dit « petit peuple », Jean Charest a répondu « grand peuple ». Le chemin pour se rendre de petit à grand se trouve évidemment, du moins en partie, dans la célèbre phrase de René Lévesque :
on est peut-être quelque chose comme un grand peuple!
Elle prêchait par réalisme alors qu’il gonflait le torse, parce que ce qualificatif grandissime, on ne peut pas se l’offrir soi-même en cadeau, il faut qu’il vienne de l’extérieur sans qu’on l’attende.
C’est là où René Lévesque se situait, dans l’espérance, comme un enfant rêve aux emballages suintant la joie multicolore dès les premiers flocons blancs. Ce grand homme (remarquez que c’est moi qui lui fait cette offrande de grandeur) a eu le génie de doublement métaphoriser en juxtaposant « quelque chose » à « comme », puisque « quelque chose » c’est du flou, ça ne s’emboîte pas dans un calcul; et « comme »: c’est comme quelque chose à bâtir, à définir. Ce n’est pas petit dans la défaite, ce n’est pas grand, arrogant. C’est surtout doux à l’oreille.
Pauline Marois a surtout fait la maladresse de servir deux mots sur un plateau d’argent. Jean Charest, qui aime le luxe tout autant qu’elle, a beaucoup cité hors contexte quelque chose qui le dépasse.
Ce soit-disant grand peuple qu’il nomme ainsi par flatterie, il voudrait bien qu’il se transforme en un miroir grandissant où s’y mirer. C’est sa propre petitesse qu’il trouvait dans les mots de son adversaire. Il voulait prouver qu’il était grand en prenant la part du peuple, mais ça ne sent au final que la grandiloquence, ce mot à l’haleine fétide.
Alors à la question de savoir si nous sommes un petit ou un grand peuple, je suis loin de vouloir y répondre par ce billet puisque je ne veux pas m’encombrer de comptabilité ni de stratégie, il y en a assez dans ce monde.
J’en reste à « quelque chose comme ».
(Photo : piet_musterd)
